Une crise – Trois voies pour sécuriser votre épargne

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L’épaisse brume qui nous rassurait s’est brutalement évanouie. Nous faisons mine de découvrir soudain ce qui se trame depuis le début de la crise, et même, depuis le début des années 2000. La crise de la dette grecque se propage rapidement à d’autres pays, trop gros pour être sauvés ; les dissensions politiques s’accumulent, au bord de la falaise ; les Etats Unis feront défaut sur leur dette le 5 août si aucun accord concernant le relèvement du plafond de la dette n’est trouvé d’ici là ; les économies des pays développés ralentissent, malgré tout l’argent injecté. L’impossible devient probable. Amère clairière…

Et pourtant !

Il est dans la nature des grandes révolutions mondiales de se présenter longtemps à pas de velours, puis d’éclater brutalement au grand jour, mais sous une fausse image, et de dérouler longuement ses conséquences réelles sous l’apparence de crises à répétition, théâtre de décisions cruciales prises de plus en plus rapidement et de façon hasardeuse, avec la gravité d’une incertitude qui va croissant, pour, à la fin, laisser apparaître une aurore nouvelle : un monde. Un monde dont, jusqu’au dernier instant, presque aucun n’avait envisagé ne serait-ce que la possibilité.

C’est notre métier que d’identifier, selon nos convictions, ceux qui, dans le métier de l’investissement, ne suivent pas les sentiers battus des salles de marchés, mais sont porteurs d’une vision durable tout en la remettant inlassablement à l’épreuve des événements présents.

Une fois n’est pas coutume, nous vous proposons de vous livrer, autant que faire se peut, les points de vue des trois principaux gérants de portefeuilles que nous avons sélectionnés aujourd’hui.

 


USA

Au moment même où l’injection massive de liquidité s’arrête (fin juin pour le QE2), l’économie des pays développés (USA, Europe, Japon) montre de vrais signes de ralentissement… Et ce, malgré les sommes colossales investies (QE1 et 2, plans de relance, sauvetage des banques, taux d’intérêt des banques centrales proches de 0% aux USA, au Japon et aussi en Europe).

C’est une situation particulièrement préoccupante aujourd’hui, car une diminution de la très faible croissance que nous connaissons, interdirait aux Etats développés, qui plient sous le poids de leurs dettes abyssales, de collecter les recettes fiscales nécessaires à rembourser leurs engagements.

Ceci, fondamentalement, inquiète particulièrement les investisseurs sur les marchés. En effet, la situation appellerait un nouveau plan d’aide, d’une façon ou d’une autre. Mais, écrit Michael Hasenstab : « Le problème est que le gouvernement fédéral a atteint son plafond d’endettement et qu’il est menacé par une possible dégradation de sa note de crédit, alors même que ses politiques expansionnistes (injection de liquidité – NDLR) semblent moins efficaces que prévu. Dans ces conditions, de nouvelles dépenses publiques paraissent exclues, ce qui laisserait la possibilité que la Fed intervienne avec d’autres mesures pour doper la croissance américaine. Pourtant, difficile d’imaginer à quoi elle pourrait avoir recours, après avoir déjà épuisé toute une série de politiques conventionnelles, et aussi non-conventionnelles (c’est-à-dire en dehors des attributions statutaires de la Fed – NDLR). Son programme d’assouplissement quantitatif, qui comprend l’achat de 600 milliard USD d’emprunts de l’Etat américain et de titres assimilables, arrive à échéance en juin. La Fed pourrait aussi hésiter à intervenir de nouveau en raison de la controverse suscitée par son programme qui inclut l’impression de 105 milliards de dollars par mois jusqu’à juin 2011 – NDLR. »

Malgré cela, contre l’avis du marché, Michael Hasenstab pense que le ralentissement actuel pourrait n’être que provisoire aux USA, même si les prévisions de bénéfices restent un peu tendues, et même si les soutiens publics s’arrêtent. « En résumé, nous pensons que l’économie américaine devra certainement s’appuyer sur ses propres fondamentaux pour émerger rapidement du trou d’air actuel, mais elle part sur des base nettement plus solides qu’il y a un an. »

Pour autant, Michael Hasenstab ne détient plus de Bons du Trésor américain depuis près de deux ans…

 


Pays émergents

Le ralentissement actuel de l’économie mondiale a fait baisser le prix des matières premières (du moins par rapport à la bulle que nous avons connue au premier semestre) ; et le ralentissement des exportations d’Asie et d’Amérique Latine vers les pays développés, éloigne le risque de surchauffe et les pressions inflationnistes de ces économies en pleine santé.

Les conditions sont pour lui excellentes pour investir dans ces pays, et acheter des obligations d’Etats, comme d’entreprises, dans les pays émergents.

Michael Hasenstab annonce toutefois un potentiel nouveau risque : si la croissance ralenti et devient plus sereine dans ces pays, il est important que les autorités et les banques centrales de ces pays ne baissent pas les armes face aux risques inflationnistes. La rigueur des politiques budgétaires et monétaires de ces pays sera un critère majeur dans le choix d’investissement.

En outre, l’essor des pays émergents s’accompagne d’une très forte intensification de la demande de matières premières : la Chine est aujourd’hui le premier consommateur de pétrole…devant les USA ! L’aspect structurel de la hausse mondiale de la demande de matières premières, même en phase de faible croissance des pays développés, maintient sur ces derniers des risques permanents et structurels d’inflation.

La conviction centrale de Michael Hasenstab en découle : l’appréciation inévitable et durable des nouvelles devises fortes, celles des nouveaux pays émergents (Real brésilien, monnaies asiatiques, rouble, zloty…). En effet, ces pays ne pourront continuer à lutter contre l’inflation en augmentant inlassablement leurs taux d’intérêts… Seul le fait de laisser s’apprécier leurs devises, à la fois contre l’euro, le dollar et le yen, leur permettra de conserver un fort niveau de croissance avec des matières premières en augmentation.

Europe : Comme les Etats-Unis, l’Europe donne des signes de ralentissement économique. Michael Hasenstab considère, comme nous, que ce ralentissement n’est pas en lui-même parti pour durer en 2012. Il est une conséquence de la bulle sur les matières premières au premier semestre, qui s’est un peu dégonflée ; et des incidents de production liés à la catastrophe de Fukushima, qui devraient s’estomper également.

Néanmoins, la crise de la dette européenne, la diversité des situations des pays « fragiles » (Grèce, Portugal, Espagne, Irlande…et maintenant, Italie, Belgique… ?), rendent quasiment impossible une politique monétaire unique. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la BCE, a choisi le contrôle rigoureux de l’inflation, imposé par la très forte croissance allemande, en augmentant pour la seconde fois cette année ses taux directeurs, et mettant encore plus en péril les pays déjà au bord de la faillite publique…

« Plusieurs parties sont opposées à un second sauvetage de la Grèce : d’abord, les Grecs eux-mêmes, écrasés par les mesures d’austérité, et les électorats du Nord et d’Allemagne, qui hésitent de plus en plus à aider un pays méridional trop dépensier et qui sera, au final, incapable de rembourser sa dette aux banques. La dette publique cumulée de la Grèce représente près de 150% du PIB à fin 2010, si bien que l’on pourrait considérer une aide financière supplémentaire comme un nouveau gaspillage. Par ailleurs, même si les autorités européennes et le FMI renforcent leur dispositif de sauvetage de la Grèce, des difficultés persistent dans d’autres parties de la zone euro avec les doutes persistants entourant certains segment du système bancaire espagnol et l’état des finances publiques de plusieurs provinces du pays, dont l’endettement s’est très nettement accru ».

Aujourd’hui, Michael Hasenstab investi très majoritairement dans des obligations à très courtes échéances (de 3 à 12 mois maximum !!!) dans les pays émergents, en devises locales, afin de profiter de l’appréciation de leurs devises et de l’insolente santé économique de ces nouveaux foyers de la croissance mondiale.

Nous pouvons remarquer que, à une semaine d’intervalle, la note de solvabilité de l’Etat américain a été placée sous surveillance négative, …et celle de l’Etat des Philippines a été reconsidérée comme « investment grade » (c’est-à-dire comme un Etat solide), par… la même agence de notation…

Michael Hasenstab ne détient aucune dette d’Etat de pays développés (c’est-à-dire ceux qui sont en train d’inquiéter). Et, pour se couvrir contre le risque de faillite souveraine, il n’est pas couvert contre la baisse de l’euro…

 

Mark Mobius – Templeton (USA)

Considéré comme l’un des meilleurs investisseurs du siècle par la profession financière américaine, Mark Mobius est un grand voyageur et un grand spécialiste des pays émergents depuis vingt ans.

Considérant que les grandes crises économiques bouleversent les rapports mondiaux, et offrent les opportunités de long terme de demain, il s’attache a défricher des marchés nouveaux, qu’il considère à très haut potentiel, sur lesquels il n’y a, selon ses mots, « personne » : ce qu’il appelle « les marchés frontières ».

Ces marchés sont constitués par les petits pays qui sont entraînés par la hausse de la consommation intérieure des pays émergents, qui ont une démographie galopante, des finances publiques et des pratiques politiques en voie d’assainissement.

Ils sont, pour lui, « le second tour », après les pays émergents. Tel est sa passion à ce jour : il considère le Nigeria, l’Egypte, le Ghana, le Kazakhstan, le Mexique, la Colombie comme les futurs dragons du monde à venir !

Pour éviter les risques liés à des places boursières peu réglementées de ces pays jeunes, il investit dans les grandes places boursières du monde, dans des sociétés, de plus en plus nombreuses depuis la crise, qui s’exposent dynamiquement à ces marchés.

Soit ! Mais ce qui est particulièrement intéressant pour le patrimoine d’un particulier à ce jour, c’est la chose suivante : ces marchés, très peu développés, n’ont que des liens très distendus avec la grande finance mondiale. Pour la plupart, les réserves de ces Etats sont en or, non pas en dollar ; leur endettement est faible (en effet, comme la Chine et la Russie, depuis la crise de 1998, ces pays n’ont pu en aucune façon accéder au marché pour s’endetter, jugés trop peu sûrs ! Ils ont donc, comme la Chine et le Russie, construit un « public business model » qui n’est pas basé sur l’endettement…contrairement à nous-autres pays développés.

Autrement dit, outre le fait d’être des opportunités rares de long terme, ces marchés constituent des solutions de sécurisation des avoirs financiers, pendant les grandes crises financières présentes et à venir de notre monde développé… Ces pays ne seraient quasiment pas atteint par un défaut de paiement aux USA, une faillite de la Grèce ou une fin de l’union européenne !

Ou une crise des dérivés… En effet Mark Mobius considère qu’il y a un très fort risque de crise, sans doute majeure, du marché non-réglementé des produits dérivés au niveau mondial :

« L’une des raisons pour lesquelles nous observons (et allons vraisemblablement continuer d’observer) ce niveau de volatilité sur les marchés financiers des pays développés est l’utilisation occasionnellement inappropriée d’instruments dérivés. Une telle utilisation inappropriée de ces instruments financiers a largement contribué à la crise financière de 2008, et leur utilisation se poursuit à l’heure actuelle. La valeur totale des produits dérivés au travers de la planète à la fin 2010 excédait la somme de 600 000 milliards de dollars américains. Pas moins de 10 fois le PIB mondial.

Nous ne pouvons pas précisément prévoir quand surviendra la prochaine correction, ni son ampleur, mais nous sommes bien conscients que la volatilité est là pour durer. Peu des problèmes à l’origine de la crise financière de 2008 ont été résolus. Les banques sont plus tentaculaires que jamais et le marché des produits dérivés poursuit son développement en demeurant largement opaques et illiquides. Il est réconfortant que des dirigeants politiques internationaux tentent d’aboutir à des normes réglementaires (cf. l’accord historique arraché le mois dernier au G20 par Nicolas Sarkozy, pour réguler les produits dérivés sur les matières premières et les matières agricoles, une première ! NDLR), mais tant que nous ne trouvons pas une véritable solution à long terme à ces problèmes, nous ne pouvons ignorer la possibilité d’une nouvelle crise financière causée par les produits dérivés.

Mais toute crise apporte avec elle de grandes opportunités. Par conséquent, nous continuons d’investir sur un horizon à long terme dans des entreprises que nous considérons comme sous-évaluées, fondamentalement solides et en croissance, et qui, selon nous, seront capables de résister à des périodes de difficultés. »

 

Frédéric Leroux – Carmignac Gestion

Spécialiste depuis vingt ans des matières premières et des pays émergents, comme de l’analyse macro-économique globale, les gérants de Carmignac Gestion ont beaucoup en commun avec ces deux précédents gérants.

Intéressons nous aux différences :

Aujourd’hui, Carmignac Gestion considère que la croissance des pays émergents sera non seulement durablement plus forte que celle des pays développés, mais aussi plus solide – car, pour le dire vite, ces pays possèdent tout l’argent de nos dettes dans leurs fonds souverains et leurs banques centrales.

Nous avons le sentiment, à les entendre, qu’ils sont plus inquiets que Michael Hasenstab sur le caractère passager ou plus durable du ralentissement économique en cours. Si les fondamentaux économiques sont encore assez sain aux USA, la fin des mesures publiques de soutien à l’économie devrait commencer à peser sur la croissance. De même que que les mesures de restrictions budgétaires qui doivent être mise en place pour éviter la faillite de l’Etat américain…La croissance américaine n’est pas forcément assurée pour lui.

En outre, le blocage des négociations entre Obama et les Républicains sur le relèvement du plafond de la dette américaine laisse penser qu’il n’est pas exclu que les Etats Unis fassent défaut sur leur dette (même si ce serait une folie, et que cela déclencherait une crise financière …et des produits dérivés mondiaux).

Les gérants de Carmignac sont en observation attentive des évènements.

Coté européen, c’est-à-dire « du seul continent au monde dont la croissance est inférieure à son taux d’inflation » comme il aime à le rappeler : le blocage permanent des discussions entre l’Allemagne, notamment, et le reste de l’Europe, ainsi que l’absurdité d’aider un pays qui fera de toute façon défaut, ne le rendent pas non plus optimiste.

Il n’exclut pas qu’un jour, peut-être cet été, les pays du Nord et l’Allemagne ne refusent de se mettre d’accord sur un plan à la Grèce. Ce qui occasionnerait un défaut de la Grèce, avec des conséquences dramatiques pour l’euro, les banques européennes, les Etats qui s’endettent encore et les dérivés.

Il considère que plus sera retardée l’échéance, plus les conséquences seront importantes.

Aujourd’hui, Carmignac Gestion achète des obligations et des actions émergentes – « des zones saines » disent-il.

…et des emprunts d’Etat allemands : en effet, face à la montée des risques de défaut sur la dette d’Etat américaine, les emprunts d’Etats allemands constituent une vraie sécurité : Etat le plus solide de la zone euro (ou du moins considéré comme tel par les investisseurs), le Bund sert de valeur refuge lorsque la panique gagne les marchés (comme en ce moment même).

En outre, si la fin de l’euro devait arriver (ce qu’ils estiment très difficilement évitable à terme), le Bund serait valorisé en Deutsch Mark dans une devise qui ne manquera pas de s’apprécier face à toutes les autres !

Aussi, Carmignac Gestion utilise les obligations d’Etat allemandes comme sa ceinture de sécurité – et continue, plus que jamais, d’accroître ses positions dans les nouveaux marchés solides, les émergents, les marchés frontières, ainsi que ceux des pays développés qui ne sont pas surendettés (Suède, Canada, Australie).

« À mi-parcours de l’année 2011, il nous semble que les marchés financiers approchent d’un point d’inflexion décisif. Les perspectives économiques dans les grands pays émergents seront bientôt libérées de l’entrave qu’à constitué depuis un an l’accélération de l’inflation, tandis que le risque de ralentissement économique y semble modéré.

Cette stratégie d’investissement nous semble bien calibrée pour se prémunir des risques de marchés associés au dérèglement des finances publiques des pays développés ».

Voici ! Nous avons voulu, en ces temps incertains, vous soumettre trois stratégies, émanant de gérants qui comptent parmi les meilleurs au monde, et qui sont naturellement à l’œuvre directement dans nos mandats.

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