Les USA et l’Asie tirent seuls la croissance mondiale

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Le mois d’octobre et le début du mois de novembre ont marqué de bonnes nouvelles pour la croissance chinoise et américaine : ils constituent le retour dans un monde à trois vitesses économiques (dans l’ordre : Chine, USA, Europe), avec, pour chaque continent, ses risques spécifiques à court terme.

Reprise de la croissance chinoise et américaine

Publications de statistiques après publications, nous avons la confirmation importante d’une reprise des économies américaine et chinoise, avec des chiffres que nous n’avons pas eus depuis cinq ans, et ce, malgré l’entrée en récession de l’Europe !

Aux USA, en particulier, les prix de l’immobilier repartent à la hausse pour la première fois depuis le début de la crise. C’est une donnée extrêmement importante pour la solidité future de la croissance américaine. Et aussi pour les bilans des banques US. Par ailleurs, la consommation continue de progresser légèrement, et l’économie américaine continue de créer des emplois :le taux de chômage est passé sous les 8% de la populationactive en septembre, et novembre a confirmé cette amélioration. Ainsi, bien qu’encore fragile, l’amélioration récente des fondamentaux américains laisse augurer, peut-être, d’un retournement de tendance ?

En Chine également, la croissance de PIB s’est remise à augmenter, après sept trimestres de ralentissement ininterrompus, validant le scénario de l’atterrissage en douceur de l’économie chinoise – scénario dont nous n’avons jamais douté. Qu’il s’agisse de l’investissement, des ventes de détail, des exportations, de la production manufacturière, les derniers chiffres indiquent un renversement de tendance également !

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ce redressement de la croissance chinoise, et cette amélioration des fondamentaux américains se confirme, malgré la probable entrée prochaine en récession de la zone euro… Ainsi, la croissance chinoise et américaine résistent bien aux mauvaises nouvelles économiques sur notre territoire – et c’est une excellente nouvelle, y compris pour l’Europe !

En même temps, chaque grande zone affronte des risques spécifiques à court terme. Les voici.

 


Usa : risque de blocage politique et fiscal cliff

La réélection serrée d’Obama aux États-Unis début novembre ne lui a pas donné la majorité aux deux chambres du Congrès : le parti d’Obama (Démocrate) dispose d’une courte majorité au Sénat, alors que la Chambre des Représentants est majoritairement aux mains des Républicains. Cette situation ne donne pas suffisamment de pouvoir à Barack Obama pour faire passer des réformes urgentes, en particulier budgétaires. Il sera à nouveau contraint à une difficile cohabitation avec les Républicains.

Et l’urgence est déjà là : Obama doit impérativement trouver un accord avec les Républicains d’ici le 1er janvier 2013 sur la politique fiscale et budgétaire. En effet, s’il n’y parvient pas, les réductions d’impôts accordées par Georges W. Bush prendront fin brutalement au 1er janvier, et des réductions de dépenses extrêmement brutales auront lieu automatiquement le 1er janvier 2013 : ces hausses d’impôts et baisses de dépenses priveront les USA, selon les économistes, de 5% du PIB américain dès l’année prochaine !

C’est la seconde fois qu’une telle question se pose : on se souvient du fameux cataclysmique mois d’août 2011 (cf. notre analyse : Le Cygne étincelant), pendant lequel les Tea Party et les Républicains avaient mené l’État fédéral américain à la dernière limite du défaut de paiement sur sa dette !

En outre, cette fois-ci comme à l’époque, le plafond constitutionnel de la dette de l’État fédéral américain sera atteint au courant du mois de novembre : il faudra donc négocier en même temps un accord fiscal et budgétaire (pour éviter la falaise fiscale – fiscal cliff), et le relèvement du plafond de la dette.

Si un échec ou même un accord tardif entre Démocrates et Républicains sur ces deux questions pourrait avoir un effet catastrophique sur la fragile reprise en cours, nous pensons que cette fois-ci, ces négociations ont des chances d’aboutir positivement : Obama bénéficie, cette fois-ci, du soutien de la majorité des grandes entreprises américaines et des syndicats. Les Républicains auront du mal à ne pas endosser le rôle de responsables d’une nouvelle entrée en crise, en cas de désaccord.

Néanmoins, une certaine volatilité devrait être attendue sur les marchés américains et mondiaux d’ici là.

Au sein de nos portefeuilles, nous maintenons une assez forte exposition au dollar américain : en effet, si les négociations venaient à échouer, ou même à durer, le dollar américain constituerait la seule défense, paradoxalement – comme nous l’avions déjà anticipé puis observé en août 2011 ; à l’inverse, en cas de réussite de ces discussions, les bons fondamentaux américains devraient pousser cette monnaie à la hausse. Nous n’avons par contre quasiment plus d’actions américaines: les marchés US ont été proches, il y a quelques jours, de leur plus haut historique – et, une chose est sûre, les USA vont devoir traiter leur déficit budgétaire d’une façon ou d’une autre à partir de 2013. Il nous semble que les valorisation des actions US n’ont pas encore “ pricé ” les futures et nécessaires décisions budgétaires.

 


Europe : la fin du risque systémique ?

Mario Draghi avait déclaré, en juillet, que « l’euro est irréversible », que tout sera fait au niveau de la BCE pour en assurer la pérennité, dès le mois de juillet. Il a annoncé ensuite un programme historique, en apparence au moins, pour la BCE : celle-ci serait prête à soutenir, de façon illimitée, les emprunts des États en difficulté qui appelleraient l’Europe à l’aide, signant par là le fait que l’Europe se dote enfin d’une Banque Centrale quasi-prêteuse en dernier ressort, comme partout ailleurs dans le monde !

Ces déclaration, et ce programme appelé OMT, ont permis aux taux d’emprunts des pays périphériques de baisser régulièrement depuis le mois d’août. Elles font penser à de nombreux investisseurs que le risque systémique est terminé en Europe – et Carmignac Gestion au premier rang.

Cela signifierait que nous n’avons plus à craindre une faillite de banque ou un évènement soudain (défaut d’un État…), qui mettrait à mal tout l’équilibre financier européen. Du moins, c’est ainsi que jusqu’ici, les marchés ont pris ces déclarations et l’annonce de ce programme.

L’Europe passerait ainsi de la crise financière et monétaire à la crise économique.

 


Ralentissement économique européen

Et, en effet, l’économie européenne n’est pas dans sa plus belle forme : ni la Grèce, ni l’Espagne, ni le Portugal, bref, aucun des pays « fragiles » de l’Europe, pas même ceux qui appliquent avec zèle les réformes exigées par la troika (BCE, UE, FMI), ne parviennent à respecter leurs objectifs de croissance (ou plutôt de récession « mesurée »), ni même leurs objectifs budgétaires. À tel point que les pays « forts » de l’Europe commencent à être entraînés par le ralentissement économique des pays du Sud.

En outre, les indicateurs avancés de la croissance française depuis le mois de juillet 2012, signalent un fort ralentissement de l’économie française à venir.

La France est en train de devenir le risque le plus important pour l’avenir de l’UE.

Mais il ne s’agirait maintenant plus que d’une crise économique qu’il faudrait enrayer, et non plus d’une crise économique doublée d’une crise financière extrêmement intense et d’une crise monétaire : ce serait donc plus simple à gérer !

Pourtant, c’est une mauvaise analyse de la situation, à notre avis, et le calme systémique que nous avons connu depuis ce mois d’août pourrait n’être que temporaire.

En effet, la situation européenne s’explique d’abord par l’adhésion à une monnaie commune, qui contribue à la divergence des économies européennes (elle favorise les économies les plus solides, et plonge dans la récession les économies les plus fragiles), ce qui provoque la crise économique que nous traversons. Enfin, naturellement, les États pour lesquels cette monnaie est trop forte (les pays du Sud et la France), accumulent des déficits budgétaires, jusqu’à provoquer la crise de l’endettement public que nous connaissons. Maintenir l’euro envers et contre tout, c’est maintenir une des causes principales de nos problèmes actuels. Mais une telle analyse, pourtant évidente à qui est – ne serait-ce qu’un tout petit peu – initié en matière de théorie monétaire, est malheureusement inentendable pour nos peu pragmatiques politiques européens.

 


Vers le retour du risque systémique ?

Plusieurs éléments nous font penser que ce risque sera de retour, tôt ou tard.

D’abord, le ralentissement économique européen, qui touche même l’Allemagne, a pour conséquence que le nombre des pays capables de payer pour les autres ne cesse de diminuer. Si le ralentissement économique français se confirme, il est probable que notre pays ne soit plus réellement en mesure de financer les pays du Sud – et ceci pourrait remettre au grand jour l’impossible financement de la zone euro.

En outre, à bien y regarder, le programme OMT de la BCE ne peut fonctionner réellement – au-delà du moins des effets psychologiques de son annonce.

En effet, en contrepartie de ce soutien illimité de la BCE aux emprunts d’Etat de pays en difficulté, une condition a été posée pour l’Allemagne : ce soutien suppose une supervision bancaire européenne.

Or, ces bonnes résolutions, comme à chaque fois en Europe, sont défaites à peine décidées : en octobre, l’Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas ont déposé un recours, en exigeant que le MES (et donc la BCE) ne pourra soulager directement les banques en cas de risque de faillite…que pour les dettes souscrites à partir de la mise en place de la supervision bancaire, soit en 2014 dans le meilleurs des cas !

Pour l’ensemble des dettes existantes actuellement, et qui mettent terriblement à mal le système bancaire espagnol, grec, portugais, italien, mais aussi allemand, etc., aucun aide ne peut être trouvée…

Les responsables européens sont en train de vivre dix ans en arrière, et de faire aujourd’hui ce qui aurait dû être fait il y a dix ans, s’efforçant d’éviter la prochaine crise – en « oubliant » simplement la crise actuelle et ses effets dévastateurs sur le système financier européen.

En outre, les terribles déséquilibres financiers du système Target 2 continuent de s’accumuler entre les banques centrales nationales des États ; la comptabilité de BCE ne tient, de semaine en semaine, que grâce aux dépôts des banques privées (signe de la crise de confiance interbancaire), et grâce à de mystérieux « prêts d’institutions publiques » (i.e. les contribuables) qui, de semaines en semaines, permettent à la BCE d’équilibrer son bilan. Un jour, les États européens devront recapitaliser la BCE.

Par ailleurs, l’Allemagne elle-même voit sa croissance fléchir fortement, sous l’impact de la récession toujours plus forte que prévue des pays du Sud. A tel point que pour la (presque) première fois depuis le début de la crise, en septembre cette année, l’Etat allemand n’a pu trouver preneur pour un prêt à 10 ans de 5 milliards d’euros.

Enfin, last but not least, les financements européens sont complètement boqués depuis juillet 2012 : sur les 100 milliards d’euros promis à l’Espagne fin juin pour sauver ses banques, pas un seul euro n’a encore été versé ; l’État grec, incapable de rembourser une échéance de prêt le 16 novembre, attend désespérément le versement d’environ 30 milliards d’un prêt accordé l’année dernière. Or, comme les Européens tergiversent sur le versement de cette tranche, l’État grec a adopté un nouveau plan drastique de réduction des dépenses de l’Etat de 18 milliards d’euros soit une réduction de 33.9% des dépenses de l’Etat sur un an ! Comme si de telles décisions pouvaient avoir un effet positif…

Et comme les partenaires européens tergiversent toujours, la Grèce, pourtant exclue des marchés, vient de lancer un emprunt à court terme auprès de ces derniers pour pouvoir rembourser sa dette le 16 novembre, en attendant le versement des 30 milliards promis par la Troika.

Enfin, une part du prêt que doit rembourser l’État grec à la mi-novembre doit être versé à la BCE, qui détient ses obligations. Et, en attendant que l’Europe se mette d’accord sur quelque chose, la BCE a accordé en catimini ces derniers jours un délai d’un mois supplémentaire à la Grèce pour la rembourser. Ni vu ni connu. Le FMI appelle à une nouvelle restructuration de la dette grecque (tiens ? la première n’a pas suffit ?), mais la BCE refuse de prendre des pertes sur les dettes d’États qu’elle possède, parce que cela violerait ses statuts.

La restructuration est donc l’objet de débats interminables pendant lesquels rien (ou presque) ne se passe.

Par ailleurs, nous venons d’assister ces derniers jours à l’échec des négociations du budget de l’UE celle-ci demandait une rallonge de 8.9 milliards d’euros pour payer des fournisseurs et doter certains programmes à court de financements (comme Erasmus) :la discussion s’est terminée par des claquements de portes, d’après la dépêche. Un représentant d’un gouvernement récalcitrant a dit : « Nous demandons (à l’UE) quelles sont les factures qui doivent impérativement être payées cette année ». Ambiance… Les négociations reprendront ces prochains jours.

Bref, « l’euro est irréversible » affirmait Monsieur Draghi. Il faut rappeler que Mikhael Gorbatchev avait dit la même chose de l’URSS fin 1988.

Le risque systémique donc, pourrait revenir assez vite, à moins que des avancées fortes soient réalisées pour permettre à la BCE de battre monnaie sans avoir à stériliser les sommes injectées…ce qui n’est probablement pas pour demain.

 


Reprise de la croissance chinoise

En Chine, la situation est plutôt réjouissante : l’économie montre des signes de stabilisation, voire d’inversion de tendance, malgré le ralentissement européen. En outre, la récente nomination de Xi Jinping à la tête de l’État chinois début novembre nous amènera à fréquenter une nouvelle équipe, dont la tâche principale sera la lutte contre la corruption. Mais l’état actuel de l’économie chinoise, son très faible endettement, le faible niveau d’inflation (merci au ralentissement européen !), et ses colossales réserves de changes, lui laissent une très importante marge d’action, tant, du moins, que le risque systémique européen ne revient pas à l’ordre du jour.

Si les actions américaines nous semblent globalement chères, les marchés actions chinois sont au contraire proches de leurs plus bas niveaux de 2009.

Nous augmentons progressivement notre exposition à ces marchés asiatiques – nous profitons également de ces bonnes nouvelles économiques, et à moindre risque, par nos très importantes positions en obligations émergentes, en attendant que l’horizon se lève un peu.

 


Géopolitique

La situation au Moyen Orient et au coeur de l’Afrique de l’Est reste très préoccupante. La menace d’un conflit armé majeur est toujours vive dans ce secteur dans les mois qui viennent. Une telle hypothèse risque d’avoir des conséquences politiques et économiques importantes dans les relations sino-américaines, sino-japonaises, et sur l’économie mondiale dans son ensemble.

Par exemple, et pour l’heure, le Japon vient de connaître un trimestre de retour en nette récession – le regain d’activité économique lié à Fukushima y a donc été de courte durée : ce sont les tensions sino-japonaises, et leur conséquences sur le commerce de ces deux pays, qui sont à l’origine de ce retour en récession de l’archipel. En cas d’escalade, la meilleure protection sera à nouveau le dollar américain – que nous conservons donc, pour ces raisons également, en portefeuille.

 


Nos portefeuilles

Nous restons donc plutôt défensifs dans nos positions. Les dominantes de nos portefeuilles sont : les obligations émergentes, et le dollar américain ; nous suivons Carmignac Gestion qui s’est ré-éxposé aux dettes espagnoles et italiennes de façon marginale, mais nous n’augmentons pas la part de nos portefeuilles confiés à cette société de gestion. Enfin, nous surveillerons de près le devenir de tous les facteurs de risque de court terme mentionnés ci-dessus, pour nous réexposer progressivement aux actions asiatiques notamment.

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